Les Ruines
The
Ruins
2008
Origine:
États Unis
Genre: Horreur
Réalisateur: Carter Smith
Avec:
Jonathan Tucker, Jena Malone, Laura Ramsey, Shawn Ashmore, Joe
Anderson...
Le
bestiaire meurtrier que l'on rencontre dans le cinéma fantastique et
d'horreur est très large et va des extra-terrestres belliqueux aux
animaux féroces et venimeux, en passant par toute une galerie de
monstres plus ou moins biscornus. De manière générale le cinéma a
exploité tous les types de créatures, réelles ou imaginaires, et
rares sont les espèces vivantes à ne pas avoir "leur"
film d'horreur les mettant en scène. Pourtant, au milieu de tout ce
beau monde, les végétaux font aujourd'hui encore figure d'exception
et finalement rares sont les films de monstres à nous présenter de
méchantes plantes... Quoi de plus normal me direz vous, une bête
plante qui ne bouge pas, ce n'est pas menaçant ! Certes, mais si on
les fait bouger et manger de la barbaque ? Ça devient tout de suit
plus inquiétant, à condition de bien gérer les effets spéciaux
pour ne pas sombrer dans le ridicule. C'est ainsi qu'une poignée de
films se sont essayés à l'exercice avec plus ou moins de succès.
On rencontre alors des végétaux extra-terrestres (Le
Jour des Triffides)
des arbres qui se nourrissent de sang (La
nurse
de William Friedkin) ou encore des sapins cannibales (Trees)
et bien sûr toute une série de films exploitant notre fascination
pour les plantes carnivores...
Réalisé par Carter Smith, le film
Les
Ruines
vient quant à lui s'ajouter à ces films nous présentant des
plantes carnivores, s'inscrivant ainsi dans une tradition ancienne du
film de monstres. En effet, Les
Ruines
est une pure série B qui utilise des thèmes éculés, et le
réalisateur semble avoir conscience de ce fait. Dès lors il ne
s'embarrasse pas de prétentions et se contente de livrer au
spectateur ce qu'il est en droit d'attendre sans tenter de
révolutionner quoi que ce soit. A l'instar du récent The
Mist,
Les
Ruines
constitue une véritable bouffée de fraîcheur au milieu de la
production horrifique actuelle, par un caractère bis et humble que
l'on peut déceler dans le soin apporté à la structure et à
l'ambiance du film.
Quatre touristes américains en vacances
au Mexique, lassés de passer leurs journées au bord de la piscine,
acceptent avec enthousiasme de suivre un jeune allemand qui leur
propose de visiter les ruines d'une pyramide maya qui vient d'être
découverte par son frère et son amie archéologue. Mais alors
qu'ils arrivent au pied de la pyramide recouverte par la végétation,
ils sont accueillis très brutalement par la tribu autochtone, qui ne
tarde pas à assiéger la pyramide, devenue le seul refuge pour les
touristes abasourdis. Mais l'incompréhension cède vite la place à
la peur quand ils découvrent que les plantes recouvrant la pyramide
se révèlent avides de chair et de sang frais...
Les
Ruines
commence donc d'une manière on ne peut plus classique, c'est à dire
par la présentation de la traditionnelle bande de jeunes destinée à
être massacrée durant le film. Identique à des centaines d'autres,
le début du film est en plus assez lent et empreint d'un classicisme
plutôt peu enthousiasmant. Mais cela ne dure pas, et dès que les
personnages atteignent la pyramide, les événement s'enchaînent
rapidement et efficacement, telle une mécanique parfaitement huilée.
C'est à Scott Smith, auteur du scénario rédigé à partir de son
propre roman, que l'on doit cette structure très efficace. Le film
échappe ainsi rapidement aux clichés en plongeant brutalement le
spectateur dans le vif du sujet dès la fin de l'introduction. Si le
danger inhérent à la présence des plantes carnivores est
tardivement découvert par les personnages, le spectateur, qui est au
courant, a déjà repéré l'abondance des vilaines plantes présentes
sur les ruines, ce qui instaure d'emblée une atmosphère lourde de
menace en même temps que des attentes qui ne seront heureusement pas
déçues. Ensuite, s'ajoute très rapidement une deuxième menace, à
savoir la présence de la tribu indigène. Les indigènes sont au
courant des propriétés macabres de la plante qui recouvre la
pyramide, et ils isolent rapidement les touristes américains en
faisant planer sur eux une menace de mort s'il tentent de s'enfuir,
empêchant ainsi la plante de se répandre. Face à eux, les héros
n'ont d'autres solutions que de se réfugier au sommet de la
pyramide. Commence alors un long huis clos à ciel ouvert, où les
personnages isolés du reste du monde et menacés d'une mort lente et
douloureuse seront sujets au désespoir et à la folie, devenant
ainsi des dangers pour eux mêmes. Habilement mis en scène, ce huis
clos se révèle être constamment tendu, le réalisateur insistant
pour qu'aucun élément menaçant ne soit oublié par le spectateur.
La présence de la plante notamment est rendue très lourde et de
plus en plus inquiétante à mesure que le spectateur découvre sa
méthode d'action basée sur l'appât comme sur la lente progression
vers sa proie. De même, l'atmosphère suffocante du huis clos est
renforcée par une imagerie visuelle très aride et sale, empruntée
au survival, qui tranche nettement avec l'ambiance sea, sex & sun
du début. Les personnages du film seront progressivement envahis par
la poussière, la crasse et les spores des plantes carnivores. Sale
et ensanglanté, leur aspect extérieur se fait l'écho d'une
détresse intérieure. Soucieux de livrer un film crédible, le
réalisateur prend soin de développer la psychologie de ses
personnages, en détaillant leurs différentes réactions face à
leur situation. Désespoir, rage, folie, le constat du danger rend
instable et tendues les relations entre les personnages. En plus
d'ajouter une nouvelle menace, cet état de fait permet aussi de
rendre plus humains et plus attachants les personnages.
Enfin,
effets spéciaux et plan gores font bien sûr leur apparition. Comme
dans toute série B, ils contribuent ici au succès du film en
permettant au spectateur de voir ce pour quoi il a payé son ticket.
Toutefois, alors que la mode est à la surenchère de gore ou de
violence, Carter Smith a l'intelligence d'user de ses effets avec
parcimonie. Les effets spéciaux, issus d'un subtil mélange entre
les plans virtuels et les techniques plus anciennes, sont aussi
excellents que discrets. On voit finalement peu la plante cannibale
étendre ses branches tels des tentacules en dehors de quelques plans
marquants. Au départ, la progression de la plante est invisible, ce
qui la rend d'autant plus effrayante. Ainsi il sera difficile au
spectateur de garder son calme lors de certaines scènes, comme ce
passage où une des filles, blessée à la jambe, se réveille pour
constater qu'une branche a poussé jusqu'à plonger dans sa plaie
afin de s'abreuver de sang ! Du coté du gore on est aussi servi:
même si le film ne verse pas dans l'excès, il est volontiers cruel
et les personnages passent pas mal de temps à souffrir. Les scènes
les plus douloureuses sont toujours habilement construites, et
bénéficient d'une bande son terrible où ni les craquement des os
ni le bruit de la chair qui se déchire ne seront épargnés au
spectateur.
Construit selon un mouvement crescendo, le film
culmine lors de scènes impressionnantes où la tension devient alors
difficilement supportable, comme ce passage de folie où la plante
carnivore agite furieusement toutes ses branches pour tenter
d'attraper les deux pauvres héroïnes suspendues dans le puit
central de la pyramide, ou encore lors de ce très douloureux et
sanglant passage où l'un des personnages s'automutile brutalement
pour arracher les végétaux qui ont trouvé refuge sous sa peau! Ces
scènes se révèlent être d'une efficacité parfaite grâce à tout
le travail d'ambiance et de mise en scène effectué par le
réalisateur, qui se révèle très habile pour jouer avec les
attentes du spectateur.
Bref, Les
Ruines
est une série B à l'intrigue et aux personnages très classiques,
mais qui compense son manque d'originalité par une efficacité sans
faille. Le film allie ainsi une atmosphère lourde, des personnages
intéressants et une intrigue sombre et parfois sadique pour combler
les attentes de son public. Le résultat est très réussi, et il y a
fort à parier que ce petit film saura trouver une bonne place dans
le coeur des fans de films d'horreurs.