Jusqu'en Enfer
Drag me to hell
2009
Origine : USA
Genre : Horrificomique
Réalisation : Sam Raimi
Avec : Alison Lohman, Justin Long, Lorna Raver, Dileep Rao...
Christine
Brown est une employée de banque ambitieuse. Elle convoite le poste de
directeur adjoint, et pour se faire bien voir de son patron, elle refuse
un prolongement de prêt à une vieille gitane endettée dont les biens
sont menacés par les huissiers. Mais la vieille ne l'entend pas de cette
oreille et pour se venger elle lance une malédiction sur la malheureuse
employée de banque...
Derrière ce pitch simplissime se cache le
« grand retour » de Sam Raimi. Le réalisateur américain avait en effet
débuté sa carrière en réalisant des films d'horreur à petits budgets,
dont le désormais fameux Evil Dead auquel toute une
horde de fans voue un culte (à raison il faut bien le dire, le film
étant une petite perle du genre). Mais après ses débuts "evildeadesques"
Raimi avait tenté de prouver qu'il était capable de réaliser autre
chose que de l'horreur et il a multiplié les projets avec plus ou moins
de succès, signant un western fade (Mort ou vif en 1995) par ci ou un excellent polar (Un Plan Simple
en 1998) par là. Il est toutefois devenu quelqu'un de plus en plus
"bankable" pour les studios hollywoodiens puisqu'il réalise finalement
son premier blockbuster pour la bagatelle de 139 millions de dollars
avec Spider-Man. Devenu un réalisateur respectable, Raimi enchaine les Spider-Man au grand dam d'une part de ses fans de la première heure, et finit par réaliser le troisième Spider-Man
pour un budget de 258 millions de dollars, c'est alors le film le plus
cher jamais réalisé, mais pas le moins rentable puisqu'après seulement
deux semaines d'exploitation il atteint les 500 millions de recettes...
Mais pendant tout ce temps, le réalisateur n'a pas oublié ses premières amours puisqu'il fonde la société Ghost House pictures
via laquelle Raimi continue de produire des petits films d'horreur
(dont son propre film qui nous intéresse ici). Cela dit, on peut quand
même s'interroger sur l'utilité de cette maison de production tant son
activité semble se borner à produire des remakes de films japonais (The Grudge et sa suite) et des slashers ineptes (Boogeyman et sa suite) et au final seul le récent 30 jours de nuit semble valoir un rapide visionnage dans la filmographie de Ghost House...
Bref,
que penser du « retour » de Raimi au film d'horreur à petit budget
maintenant qu'il est devenu un faiseur de blockbusters et un producteur
loin d'avoir le nez creux ?
Et bien rien du tout, puisque tout les espoirs qu'avait pu susciter ce Jusqu'en enfer sont hélas rapidement déçus. Présenté comme tel, il s'expose directement à la comparaison avec les trois Evil Dead et je ne vais pas me gêner pour le faire et constater que le dernier né de Raimi le supporte bien mal.
Déjà,
je passe rapidement sur la notion toute relative de petit budget
puisque le film bénéficie quand même de 20 millions de dollars, ce qui
est certes très éloigné des 258 de Spider-Man 3 mais comparé aux 350 000 $ de Evil Dead
ça reste bien plus confortable et je ne sais pas si l'on peut encore
légitimement parler de Série B à ce niveau. En tout cas cela se voit à
l'écran et le film bénéficie d'effets spéciaux qui ne sentent pas le
système D de ses premiers films, ils sont soignés, virtuels, et
finalement assez nombreux même s'ils ne sont guère démonstratifs. Cela
dit, aspects techniques mis à part, j'émettrais tout de même pour ma
part de grosses réserves sur leur réussite. En effet toute inventivité
semble avoir disparue des effets spéciaux de Raimi. Comme souvent, on
dirait qu'il existe une sorte de lien entre la « confortabilité »
budgétaire et l'effort investi dans la création d'effets inventifs et
originaux. Qui plus est, je trouve que la réussite technique des effets
spéciaux est un défaut intrinsèque puisqu'ici on arrive à des visuels
vraiment très proprets et très lisses et, même quand on voit la vieille
sorcière vomir un filet translucide de liquide, il est difficile d'y
voir une bile bien verdâtre et poisseuse apte à répugner les spectateurs
les plus aguerris. C'est ainsi que le plupart des effets du film
tombent très vite à plat. D'autant plus que depuis le troisième Evil Dead
qui avait finit la saga de manière plutôt triste en se vautrant
grassement dans l'humour tous azimuts, Raimi semble considérer que cet
humour "cra cra" est désormais devenu une composante essentielle du
cinéma d'horreur, et il en rajoute encore une couche ici, profitant
notamment du dentier de la vieille sorcière pour multiplier les gags le
concernant. Mais à vouloir trop en faire, on ne rit plus. Et on n'a plus
peur non plus. Le film est remarquablement exempt de toute tension. En
effet, comment faire peur si toutes les 5 minutes un gag survient ? Le
seul moyen est de recourir au vieux truc de l'apparition soudaine avec
musique qui fait zing boum badaboum très fort pour effrayer le
spectateur. Du coup, plein plein d'effets « jack in the box » avec des
démons et des sorcières qui surgissent sans prévenir, qui font sursauter
pendant un quart de seconde et c'est tout. Pas d'ambiance, pas
d'atmosphère inquiétante apte à distiller l'angoisse sur la durée, rien.
Le film est très fade et abuse des effets comiques ou d'horreur déjà
vu. Qui plus est, trop occupé à établir une balance parfaite entre ses
moments drôles et ses moments effrayants, Raimi ne laisse plus aucun
espace pour l'improvisation, pour l'innovation, pour ces petits moments
sublimes ou le spectateur se retrouve face à l'inconnu total. Le film
ressemble à une belle mécanique huilée, à l'efficacité prouvée déjà un
million de fois, mais qui ne fonctionne plus parce qu'elle a fini par
lasser. L'incroyable réussite des deux premiers Evil Dead
tenait dans le fait qu'avec des ingrédients connus (possessions,
zombies et tronçonneuses) Raimi avait élaboré une toute nouvelle
recette, à l'inventivité et à la modernité incroyable. Ici il se
contente de prendre des ingrédients vaguement nouveaux pour tenter de
camoufler le fait qu'il se repose sur une recette éculée que tout ceux
qui ont déjà vu plus d'un film d'horreur connaissent déjà.
Et on
observe ce phénomène à tous les niveaux du film. Pour la mise en scène
c'est pareil. Techniquement irréprochable, mais où est l'originalité et
l'inventivité qui avaient fait le succès des premiers Raimi et qui
avaient même permis aux Spider-Man de leur conférer une
efficacité qui les distinguait de la masse des autres blockbusters
signés par des yes-man? Raimi semble se reposer sur ses lauriers et
n'expérimente plus rien, c'est tout juste s'il tente un cadrage un peu
oblique sur son héroïne à tel moment ou s'il fait tourner sa caméra à
tel autre moment. Plus grave encore, ces rares moments semblent plus
ressembler à des auto-citations d'un réalisateur qui pour le coup tente
vraiment de refaire ses premiers films en en reprenant uniquement les
gimmicks retenus par la presse et les spectateurs sans essayer d'en
retrouver la substantifique moelle responsable de leur réussite.
Le
casting est au diapason et ne parvient pas à nous convaincre. Alison
Lohman l'héroïne joue les scream queens tandis que Justin Long (pourtant
très bon dans Jeeper Creepers) brille par son
inutilité dans l'histoire. Le pire, c'est peut-être ces seconds rôles
bien représentatifs du manque total d'ambiance du film. Même le
mystérieux diseur de bonne aventure est un gros indien barbu et affable.
Tandis que Lorna Raver qui joue la méchante se contente de grimacer
derrière son maquillage, comptant sans doute sur tous les effets annexes
(musique, éclairage, etc) pour que la peur se crée. Raté.
Bref au final pas grand chose à sauver de ce film, hormis peut-être le score signé Christopher Young (auteur de la musique des Hellraiser
notamment). Pourtant, on aurait tort de dire qu'il n'avait pas de
potentiel. Rien que le scénario mêlant anciennes croyances tziganes et
malédiction biblique aurait pu être incroyablement passionnant sous la
plume d'un auteur tel que Graham Masterton passé maître dans l'art de
réutiliser ce type de légende pour ses récits d'horreur. Mais ici le
scénario n'est que prétexte à un tour de montagnes russes dont on
connaitrait déjà le circuit. D'autant plus que quand on gratte un peu
derrière les seuls moments ou le scénario semble cacher quelque chose de
plus intéressant, c'est pour découvrir une petite fable moraliste
confondante de bons sentiments chrétiens, où si l'on résume on trouve
une employée de banque condamnée à l'enfer parce qu'elle a mal agi
envers une personne âgée...
Bref, passez votre chemin et
économisez votre argent pour voir un autre film, c'est bien plus sage en
ces temps où la crise fait rage et où le prix du dvd de Evil Dead 2 est en baisse...