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Maniak-o-rama!
13 septembre 2007

Abandonnée

abandoned

Abandonnée 

The Abandoned 
Genre: Epouvante
Pays: Espagne
Année: 2006
Réalisateur : Nacho Cerdà
Avec : Anastasia Hille, Karel Roden, Valentin Ganev…

La critique sur Ohmygore!


Marie est une productrice de cinéma américaine d’origine russe. Elle a été adoptée et n’a pas connu ses parents. Plus de 40 ans après elle retourne dans son pays natal pour tenter de faire la lumière sur ses origines et l’identité de ses parents. La seule piste dont elle dispose est une vieille ferme abandonnée dans les montagnes, qui lui est léguée. Mais explorer le passé de cette manière peut-être plus risqué qu’il n’y paraît, et elle pourrait bien déterrer de sombres secrets sans le vouloir…

Abandonnée est le premier long métrage de Nacho Cerdà. Le réalisateur espagnol s’était cependant déjà fait remarquer par de brillants courts métrages, dont notamment Aftermath et Genesis. A l’instar de son long métrage, ces deux courts traitaient déjà de la mort sous des angles différents. Aftermath avait pour but de choquer avec sa sombre fable sur la nécrophilie, et se caractérisait par des effets spéciaux d’un réalisme saisissant et par une mise en scène distante et très travaillée. Cette mise en scène glacée, on la retrouve dans Genesis, qui lui nous contait l’histoire d’un sculpteur traumatisé par la perte récente de sa femme et qui se pétrifie progressivement tandis que la statue qu’il façonne se fait chair. Moins gore qu’Aftermath, ce court laisse également plus de place à l’émotion via une belle performance d’acteur et une mise en scène alternant passage calmes et nerveux.
Etant responsable de ces deux réussites, Nacho Cerdà semblait donc bien partit pour confirmer son talent sur un long métrage cette fois ci.
Pourtant, même si le film ne remet pas en cause les capacités de metteur en scène de son réalisateur et possède de plus des qualités certaines, il n’est tout de même pas le chef d’œuvre attendu.
Mais commençons d’abord par les qualités du film. Le début du film est vraiment très bon sur presque tous les plans. L’histoire est introduite de façon mystérieuse, ce qui n’est pas sans exciter la curiosité du spectateur. Le film commence par un pré-générique étrange et qui ne nous dit absolument rien. L’explication de cette scène sera donnée au cours du film. Le procédé est certes classique mais ici relativement efficace. D’autant plus qu’il a pour avantage de plonger immédiatement le spectateur dans l’ambiance mystérieuse du film. Cerdà ne s’attarde d’ailleurs presque pas sur la scène d’exposition, il nous présente son héroïne de manière rapide, et l’ancienne maison qui sert de décor principal apparaît très tôt dans le film. De même, il ne faudra pas longtemps au réalisateur pour nous la présenter comme hantée et nous montrer les premières apparitions effrayantes.
A ce titre, et comme c’était le cas pour les court métrages, le film oscille entre la volonté de créer une ambiance lourde et pesante et celle d’en montrer le plus possible. Les effets spéciaux sont cette fois encore vraiment bons, ils ne souffrent d’absolument aucuns défauts et ce malgré le budget relativement bas dont a bénéficié le film par rapport à d’autres films d’horreurs plus grand public. Les décors sont également très soignés. La maison délabrée, ses murs décrépis, son planché vermoulu, ses toiles d’araignée envahissantes… Cerdà semble particulièrement fier d’elle et nous en montre beaucoup. Il explore avec la héroïne tous les recoins de cette maison, laquelle n’est d’ailleurs pas sans rappeler Silent Hill.
Bref, on sent vraiment que Cerdà soigne son film et est vraiment très minutieux dans la description du décor comme dans la mise en scène. Ses plans sont tous extrêmement travaillés.

Hélas, c’est là que le bat blesse, car à force de trop vouloir calculer ses plans et construire ses décors, le film perd en personnalité, et gagne en froideur. Et là où la mise en scène très distante contribuait au sentiment de malaise et d’aliénation dans Aftermath, elle éloigne trop le spectateur du film dans le cas d’Abandonnée. Le maniérisme exacerbé de Cerdà ne permet pas au spectateur de s’investir dans le film, et donc de ressentir des émotions. En effet les films d’horreurs fonctionnent généralement sur l’identification qu’éprouve le spectateur pour le personnage principal pour créer le sentiment de peur. Or cette identification est tout bonnement impossible avec un film aussi froid. Sans doute le film aurait gagné à être plus intuitif, et moins calculé. Mais si le film possède quand même quelques plans vraiment effrayants, cela reste très artificiel dans le sens ou la tension que le spectateur éprouve alors ne tient pas sur la durée, et les plans effrayants le sont uniquement hors contexte. Cette cohésion d’ensemble manque un peu au film.
Ajoutons aussi que le scénario souffre d’un manque flagrant d’originalité. Il se contente de suivre globalement les intrigues classiques de maison hantées, et sa seule qualité, à savoir qu’il reste quand même très alambiqué et sinueux, nuit finalement au film : Cerdà s’attache trop à décrire les aspects tortueux du scénario là où un élément scénaristique plus viscéral et basique aurait sans doute mieux fonctionné.
Au niveau des images comme du scénario, Cerdà veut en faire trop, et finalement ça désamorce complètement la peur que le film aurait pu provoquer.

Mais paradoxalement c’est finalement dans ses défauts que Abandonnée se révèle passionnant. En effet, si le maniérisme du réalisateur désamorce les effets d’angoisse, il donne au contraire au film un aspect baroque assez inédit. Les décors glauques sont tellement travaillés qu’ils ressemblent à une sorte de monument labyrinthique et fantastique. Il n’y a plus rien de réaliste dedans, et ils se caractérisent par une grandiloquence dantesque du plus bel effet. Ensuite, la froideur du film lui donne un caractère étrange et vraiment fascinant. Les images sont réellement magnifiques, elles distillent une atmosphère sombre et désespérée. Le film ne crée peut-être pas de sentiment de malaise ou d’angoisse, mais il se rattrape en créant une poésie vénéneuse et baudelairienne par sa mise en scène. Tous les plans de la ferme abandonnée, de la forêt qui l’entoure sont réellement très poétiques et très sombres à la fois. Les filtres bleus et verts utilisé dans le film renforcent son caractère fantastique et éloigné de toute réalité. Enfin le scénario tortueux se complaît à décrire les errements oniriques de ses personnages, et la distance qu’il crée entre les spectateurs et les personnages accentue finalement le caractère étrange et aliénant de l’histoire.

Bref, Abandonnée est un film qui comporte beaucoup de défauts, et dont le principal est d’échouer à provoquer ce sentiment d’angoisse qu’il avait la prétention de vouloir créer. Cependant le film n’est pas entièrement raté, et la beauté des décors sublimée par la mise en scène me semble une raison amplement suffisante pour ne pas le rater...

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